L’impunité version KAFANDO ?
Le 21 novembre dernier, lors de la passation des charges entre le lieutenant-colonel, pardon, son excellence ou son excellence lieutenant-colonel ZIDA et son excellence Michel KAFANDO, du discours fleuve voire populiste de ce dernier, un seul passage nous semble mériter une attention particulière. En effet, le Président du FASO, en substance affirmait que ceux qui ont dilapidé les deniers publics impunément auront leurs comptes bientôt réglés.
A l’analyse, ce passage du discours ‘’kafandoïque’’ relatif à la justice nous semble très restrictif à maints égards. Au-delà de l’émotion suscitée par le changement, somme toute légitime et compréhensible, nous aimerions, sans prétention aucune, attirer l’attention du peuple burkinabè afin qu’il puisse parfois se désincarner de l’euphorie pour se pencher sérieusement sur certains détails qui passent inaperçus mais n’en demeurant pas pour autant moins importants tant ils sont chargés de non-dits. Ceci étant, lorsque le Président KAFANDO nous parle de justice qui doit être rendue au peuple burkinabè, si à priori on doit se réjouir de cette promesse, on ne saurait par contre se satisfaire de son caractère restrictif qui semble vraisemblablement et exclusivement viser des faits économiques d’une part et de l’autre, si l’on lit entre les lignes, les vaincus.
Dit autrement, la justice que promet le chef de l’Etat ne serait-elle pas une justice sélective, une justice restrictive ou même une justice à minima voire au rabais? Conscient que cette référence à la dilapidation des deniers publics pourrait renvoyer à divers faits répréhensibles tels que la corruption, la concussion, la gabegie, les détournements de deniers publics et toutes sortes de spoliations financières que constituent les crimes économiques et sans présager de l’incapacité ni du manque de volonté des nouvelles autorités transitoires à satisfaire les fortes attentes de justice équitable du peuple burkinabè dans cette nouvelle ère post COMPAORE, il convient néanmoins de rappeler ce qui suit car il est fort à craindre que nous n’assistions à une autre forme de culture de l’impunité maquillée au goût du changement. Ceci étant, voici à notre humble avis, les caractéristiques de la justice dont rêve le peuple burkinabè.
1. Une justice complète
Le peuple burkinabè a soif d’une justice complète c’est-à-dire d’une justice pour tous les crimes économiques ainsi que les crimes de sang. Lorsque le chef de l’Etat ne fait allusion qu’aux crimes économiques, est-ce à dire qu’il occulte les crimes de sang telles les affaires Thomas SANKARA, Norbert ZONGO, DABO Boukary, Flavien NEBIE, Salifou NEBIE, les nombreux martyrs de l’insurrection des 30 et 31 octobre etc. ou tout simplement les minimise-t-il ? Le sens politique et de responsabilité élevés du chef de l’Etat, sa maitrise de l’histoire politique de notre pays et son intelligence politique nous interdisent d’oser penser un seul instant que cet aspect des choses a pu lui échapper. En tout état de cause, ce caractère indicatif du discours présidentiel ne cesse de nous intriguer.
2. Une justice inclusive
Aussi, le peuple burkinabè a soif d’une justice inclusive c’est-à-dire qu’il ne doit pas s’agir d’une justice des vainqueurs ou à deux (2) vitesses. En termes clairs, lorsque viendra le moment de rendre compte comme promis urbi et orbi par le Président KAFANDO, cela ne concernera pas exclusivement les derniers fidèles du régime COMPAORE mais aussi tous ceux qui sont mêlés de près ou de loin à des crimes économiques ou de sang du système COMPAORE. A titre indicatif, le rapport de la Cour des compte de 2008 avait épinglé Simon COMPAORE, alors maire de la commune de Ouagadougou de malversations dans la réhabilitation de l’hôtel de ville. Salif DIALLO, ancien fidèle parmi les fidèles de Blaise COMPAORE sait des choses sur l’affaire Thomas SANKARA, Boukary DABO, Norbert ZONGO, et bien d’autres d’ailleurs selon notre intime conviction. Pour preuve, en janvier 2008 à Bobo- Dioulasso à l’occasion de la XIIe édition de journée nationale du paysan, alors qu’il était encore ministre d’Etat et ministre de l’agriculture, interrogé sur les événements du 15 octobre 1987, il affirmait sur les ondes de la radio nationale dans l’émission « Tapis rouge », en substance ceci : le 15 octobre, Blaise COMPAORE souffrant, dormait chez lui. Lorsque les armes crépitaient, une femme m’a appelé pour me dire que c’est SANKARA qui est en train de régler les comptes à Blaise. C’est donc vous dire que le 15 octobre 87, c’est Blaise COMPAORE qui devrait mourir n’eut été l’intervention de ses hommes à son insu pour éviter le bain de sang … Curieusement ,le même Salif DIALLO, comme subitement atteint d’amnésie, interrogé à propos des mêmes événements du 15 octobre 87 sur les ondes de RFI le 31 octobre dernier, quelques heures après la chute de son ancien mentor, il affirmait en substance qu’il s’agissait de questions militaro-militaires et que lui civil parmi des militaires n’en n’était pas vraiment imprégné. No comment. Seulement on ne peut s’empêcher de noter l’incohérence notoire et surtout l’inconséquence du personnage voire l’irresponsabilité de ses derniers propos.
3. RSP = îlot d’impunité ?
Enfin, justice inclusive signifie pour nous que tous ceux qui sont à l’origine des nombreux morts des 30 et 31 octobre dont il est fort à parier qu’ils sont issus des rangs des forces de défense et de sécurité et fort probablement du Régiment de Sécurité Présidentielle doivent répondre de leurs crimes. Certains éléments de ce corps d’élite, comme on le sait, ont la triste réputation d’avoir été impliqué dans de nombreux cas de violation des droits de l’Homme tout au long du règne du sanguinaire COMPAORE dont le régime avait pour fondement des larmes et du sang. Là aussi, les exemples sont légions telles les affaires David OUEDRAOGO, Norbert ZONGO, DABO Boukary, Romuald TUINA etc. dans lesquelles des éléments du RSP sont mis en cause. Par conséquent, troquer la tenue du RSP contre celle classique de l’armée (Bassawarga) ne saurait être une sanction. On remarque en effet que depuis un certain temps, les éléments du RSP, y compris les officiers comme le Général DIENDERE et le lieutenant- colonel ZIDA se sont débarrassés de leur tenue léopard au profit de la tenue « Bassawarga » ou « terre du Burkina » réservée sous l’ère COMPAORE aux autres garnisons et à la gendarmerie hormis les hommes du RSP. Quel pourrait être le dessein ? Est-ce une volonté de se fondre dans un ensemble ou bien faire oublier l’image écorchée de soldatesque qui colle à la peau du RSP ? Si nous nous autorisons à risquer une réponse, nous dirons tout simplement que la première hypothèse est au service de la seconde.
Mais quoi qu’il en soit, nous pensons que ces crimes ne sauraient rester impunis quoique sans nul doute leurs auteurs se cachent au sein de nos forces de défense et de sécurité. Il faut qu’on ait le courage, lorsque nous parlons des martyrs des 30 et 31 octobre, d’affirmer haut et fort qu’ils ne sont pas morts de leur belle mort mais plutôt que des éléments des forces de défense et de sécurité ont retourné leurs armes contre eux. Cela, personne ne l’ignore mais on l’oublie souvent. Il faudra crever l’abcès afin de ne pas perpétuer les erreurs du passé en sacrifiant toujours la justice sur l’autel de la paix.
En définitive, nous devons, à notre humble avis, pour une justice équitable tenir compte tant des crimes de sang que des crimes économiques mais surtout éviter la justice sélective en remontant une bonne partie du cours de notre histoire. Seule une justice équitable, sans excès ni vengeance ni complaisance est gage de réconciliation nationale et de progrès.
MSV-Burkina, Rien que les droits des peuples!
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